Ituri : des enfants vendant des articles dans les rues de Mongbwalu, visés par une série d’interpellations

Par Gloire Mumbesa
Le service du Genre, famille et enfant procède depuis quelques semaines à l’interpellation des enfants qui vendent des articles, notamment des légumes, fruits, braises, arachides et autres dans les rues de Mongbwalu, une commune rurale située dans le territoire de Djugu à 85 kilomètres de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri.
Ce sont des dizaines d’enfants, dont l’âge varie entre 4 et 15 ans, qui ont déjà été interpellés depuis le début de ce mois de février 2025 par ce service qui ne veut pas voir des enfants circuler les rues de Mongbwalu avec des articles pour nourrir leurs familles. Cette opération se déroule au quartier Shun 1, l’un des quartiers les plus peuplés de la commune. Ceux qui sont interpellés sont conduits avec leurs articles au bureau administratif de ce quartier en attendant leurs parents.
Silence des acteurs sociopolitiques face à la servitude imposée aux enfants
Souvent, j’attends les voix se lever pour protester contre le travail ou la présence des enfants dans des carrières minières, mais rarement j’ai entendu les gens lever les voix, comme des acteurs de la société civile ou des droits de l’homme, pour condamner cette forme de servitude imposée aux enfants en dépit de la pauvreté endémique et des guerres dans plusieurs entités de notre province. Garder le silence face à l’exploitation des enfants est une façon de contribuer à l’échec de l’avenir de notre pays. Leur place c’est à l’école, pas dans la rue. C’est l’école qui devrait être leur principale activité et non le contraire. Certains d’entre eux ont déjà abandonné le chemin de l’école tandis que d’autres exercent cette activité après leur retour de l’école.
L’insecurité, la crise économique et l’indigence sont des motifs avancés par les parents venus chercher leurs enfants pour justifier leur décision sans penser aux risques et conséquences auxquels ils exposent eux-mêmes leurs enfants.
A Mongbwalu pourtant, d’après Madame Jeanne Ndjangusi responsable du bureau Genre, les expériences ont prouvé que des filles de moins de 14 ans ayant été victimes de violences sexuelles, nombreuses parmi elles l’ont été alors qu’elles étaient envoyées par leurs parents vendre des articles.
Elle est dure la vie, c’est vrai, mais ce n’est pas à ces enfants, au péril de leur vie, de jouer le rôle des parents en allant chercher à manger pour toute leur famille. Parmi les enfants interpellés, j’ai vu une fillette de quatre ans. Elle avait été récupérée dans la rue alors qu’elle vendait, sur un petit plateau, des bananes gros michel et des avocats.

Non seulement, elle ne maîtrise pas bien comment compter l’argent, mais aussi elle ne connaît pas bien comment faire le change. Il y a une forte probabilité que cette fillette rentre à la maison avec moins de la somme que prévue ou attendue par les parents. En parlant avec elle, elle déclare avoir été envoyée par sa grand-mère avec qui elle vit. Ses parents seraient décédés, selon les explications de sa grand-mère venue un peu plus tard, à sa recherche.
C’est trop risqué d’envoyer les enfants dans les rues vendre des articles. Certes, ils peuvent apporter un coup de main à leur parent, mais que cela soit à la limite de leur âge. Me référant à la loi numéro 09/001 du 10 janvier 2009, les enfants sont censés être protégés contre toute exploitation économique et tout travail pouvant mettre en péril leur santé, leur scolarité voire même leur psychologie.
Un garçon de 13 ans qui est aussi parmi les enfants arrêtés venait à peine d’être frappé par des gangs qui lui ont ensuite ravi tout son argent, d’une valeur de plus de 10.000 francs congolais qu’il venait d’engranger comme recette journalière. Le petit garçon était récupéré pendant qu’il sanglotait, certainement à s’imaginer le sort qui l’attendait à la maison pour avoir perdu de l’argent presque de toute une plaquette d’oeufs vendus à la sueur de son front.
Des enfants renversés alors qu’ils vendaient des articles
Ici à Mongbwalu, nous assistons à des nombreux cas d’accidents des motos sur des enfants vendant des amuse-gueules et autres produits dans les rues. Il y a quelques mois, j’ai vu au quartier Zubula, avenue Butembo aux environs de 18h30 une fillette d’environ sept ans être renversé par une moto pendant qu’elle était envoyée par ses parents. La victime était morte sur place et le conducteur de l’engin avait reussi à se volatiliser dans la nature jusqu’à nos jours. Ses parents ne connaîtront jamais l’auteur de l’accident qui aura coûté la vie à leur fille et vivront pour toujours avec toutes les douleurs des blessures qui ne seront jamais cicatricées.
Le même scénario s’était déroulé en face de l’auditorat militaire, où un enfant déplacé de Lodjo avait était percuté par une moto-taxi lorsqu’il tentait de traverser la rue avec des articles qu’il vendait. C’est grâce aux militaires présents que l’enfant avait été amené d’urgence à la clinique Bomoyi pour des soins et le conducteur de moto était arrêté.
Sensibilisons la communauté sur la protection des enfants
Cette campagne doit être accompagnée et soutenue en sensibilisant la communauté sur le sujet de la protection de l’enfance si réellement on veut décourager ce phénomène. Le rétablissement de la sécurité dans des zones encore sous contrôles des groupes armés devrait permettre à la population de regagner son milieu d’origine afin d’accéder aux champs.
A la réussite de cette campagne, l’on devrait penser directement aux enfants des rues, un phénomène qui prend de l’ampleur dans cette grande agglomération minière du territoire de Djugu qui est envahie par des enfants abandonnés, chassés de leurs maisons ou séparés de leurs familles.
